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dans la forêt, sous les pieds du cheval sur lequel j’étais monté, des sources d’eau chaude, j’ai fait bâtir en ce lieu un monastère de marbre précieux en l’honneur de sainte Marie, avec tout le soin et la magnificence dont j’ai été capable ; en sorte que, par l’assistance divine, cet ouvrage est parvenu à un point de perfection que rien ne peut égaler. Après avoir donc fini cette magnifique basilique, qui, par la grâce de Dieu, a surpassé mes désirs, j’ai rassemblé de divers pays et états, et notamment de la Grèce, les reliques des apôtres, martyrs, confesseurs et vierges, afin que, par leurs suffrages, cet empire soit de plus en plus affermi et que nous obtenions le pardon de nos péchés.

» De plus, dans la dévotion que j’ai toujours eue pour ce lieu et pour les saintes reliques qui y ont été rassemblées par mes soins, j’ai obtenu que le seigneur Léon, pape, consacrât et dédiât cette église. J’ai aussi fait venir avec le pape les cardinaux de Rome, grand nombre d’évêques d’Italie et de Gaule, des abbés de tous les ordres, et une multitude d’autres ecclésiastiques. Y sont aussi venus les principaux de Rome, les préfets et plusieurs autres seigneurs, ducs, marquis, comtes et grands de nos états, tant d’Italie que de Saxe, Bavière, Allemagne et France. J’ai mérité d’obtenir d’eux que l’on dresserait un siége royal dans cette basilique ; que cette ville serait tenue pour capitale de la Gaule Trans-Alpine ; que les rois héritiers de notre empire, y ayant été dûment initiés et sacrés, exerceraient ensuite les fonctions royales et impériales dans la ville de Rome, pleinement et sans empêchement. »

L’empereur demande ensuite que l’assemblée approuve les priviléges et immunités qu’il désire accorder à ce séjour ; et, comme on le pense bien, tout fut accordé avec acclamation.

Ceux qui visitent aujourd’hui Aix-la-Chapelle ne partagent pas l’admiration exclusive de Charlemagne pour cette basilique, qu’il regardait comme surpassant par son architecture tous les édifices religieux. Ce qui la rend vraiment curieuse et intéressante, ce sont les souvenirs historiques qu’elle conserve.

Laissons parler, sur ce sujet, un voyageur qui nous a laissé, sur Aix-la-Chapelle et le pays situé entre Meuse et Rhin, des détails pleins d’intérêt.

« Je me rendis à la cathédrale. Voilà bien les portes d’airain que fit poser Charlemagne. Cette nef est la chapelle octogone qu’il bâtit dans le style du Bas-Empire, et que le pape Léon III consacra ; je vois la place où l’empereur courbait son front devant le maître des cieux, au milieu des chanoines parmi lesquels il voulait être compté, exemple suivi par ses successeurs. Ces croisées, ouvertes par ses ordres, sont encore ornées de verres polis et taillés, dans lesquels l’art a incrusté l’or. Ses preux et tous les grands de son royaume, ou tous les pères des conciles, pouvaient se placer au-dessus des voûtes, sur les bas-côtés de la rotonde. Là est le fauteuil de marbre blanc, autrefois couvert de lames d’or, où il reposa dans un caveau pendant trois cent cinquante-deux ans, d’abord revêtu des symboles et habits impériaux, qu’Othon fit ôter en l’année 1000.

» Le trésor de la cathédrale possède le crâne du héros, un os de son bras droit qui annonce une stature colossale, une châsse contenant plusieurs autres de ses ossemens, sa croix pectorale, son cornet de cirasse fait avec une dent de l’éléphant que lui avait envoyé Haroun-al-Raschid, et attaché à un ceinturon de velours cramoisi, sur lequel on lit ces mots : Dein ein, l’unique à toi. On m’y montra aussi la chape que portait Léon III. »

Lorsqu’on couronnait les empereurs à Aix-la-Chapelle, on leur ceignait le glaive de Charlemagne et on leur présentait le livre des Évangiles, sur lequel ils juraient de maintenir la religion catholique. Louis-le-Débonnaire, Othon-le-Grand, et trente-six de leurs successeurs, furent couronnés dans cette ville ; depuis, les empereurs reçurent cette consécration à Francfort ; mais le magistrat et le chapitre d’Aix-la-Chapelle étaient toujours convoqués.

Les eaux minérales qui ont valu à cette ville sa réputation continuent à attirer les étrangers. On les distingue en supérieures et inférieures : les premières vont à 46° de Réaumur, les secondes à 37°. Sur la place du marché il y a une belle source, et une fontaine dont le bassin a 23 pieds de circonférence. C’est là que l’on voit la statue en bronze de Charlemagne.


QUADRATURE DU CERCLE.

Construire un carré dont la surface soit égale à celle d’un cercle donné ; tel est le problème que cherchent à résoudre ceux qui s’occupent de la quadrature du cercle. Malheureusement ce problème est insoluble ; on ne peut en avoir qu’une solution approximative, et aujourd’hui un homme qui connaît ses élémens de géométrie ne perd plus son temps à cette recherche.

Jamais les vrais géomètres n’en ont ignoré la difficulté ou l’impossibilité ; dans leurs spéculations, ils n’avaient en vue que des moyens d’approximation de plus en plus exacts, et souvent ils aboutissaient, pour ainsi dire à leur insu, à des découvertes dans les diverses branches de la science mathématique. Mais il y a eu constamment une classe de gens peu éclairés, qui, sachant à peine ce qu’ils voulaient et ce qu’ils faisaient, prétendaient néanmoins, bon gré mal gré, trouver la quadrature du cercle, le mouvement perpétuel, etc.

Le problème est aussi ancien que la géométrie elle-même. Déjà on le voit exercer les esprits en Grèce, berceau de la science mathématique. Anaxagore s’en occupa dans la prison où on l’avait séquestré pour avoir proclamé le Dieu un et unique. Le Molière des Athéniens, Aristophane, introduit sur la scène le célèbre Méton, sur qui il ne croit pouvoir mieux déverser le ridicule qu’en lui fusant promettre de carrer le cercle.

Ce fut Archimède qui trouva le premier le rapport approché entre la longueur de la circonférence d’un cercle et celle de son diamètre et de son rayon. Apollonius ou Philon de Gadare trouvèrent des rapports encore plus exacts, qui ne nous sont point parvenus. On connaît aussi les travaux d’Adrien, de Metius, de Viete et de Zudolph, de Van Keulen, de Machin et de Lagny.

Le cardinal de Cusa est le premier des alchimistes-géomètres modernes. Il s’imaginait avoir trouvé la quadrature du cercle, en faisant rouler un cercle ou un cylindre sur un plan, jusqu’à ce qu’il y eût décrit toute sa circonférence ; mais il fut convaincu d’erreur par Régiomontanus. Après lui, vers le milieu du xvie siècle, un professeur royal de mathématiques, Oronce Finée, s’illustra encore par ses singuliers paralogismes. Le fameux Joseph Scaliger donna aussi dans ces travers ; estimant peu les géomètres, il voulait leur montrer toute la supériorité d’un docte comme lui. Viete, Clavius, etc., ayant osé réfuter sa logique mathématique, il se courrouça, les accabla d’injures, et se persuada de plus en plus que les géomètres n’avaient point le sens commun.

Il y a environ cinquante ans, M. Liger crut avoir trouvé la fameuse solution, en démontrant que la racine carrée de 24 égale celle de 25, et que celle de 50 égale celle de 49. Sa démonstration ne reposait pas, disait-il, sur des raisonnemens géométriques qu’il abhorrait, mais sur le mécanisme en plein des figures.

Il s’est établi sur ce problème des espèces de paris et de défis. Entre autres exemples assez nombreux, nous citerons