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rasses et des portes sur le jardin ; puis les promeneurs et les nouveliistes, qui pleuraient l’allée de marronniers plantée par le cardinal. Pour consoler tout ce monde, le prince fit distribuer une gravure représentant les façades projetées, avec un texte qui rassurait les habitans sur l’avenir de leur promenade. Il semblait que ceux-ci fussent de moitié dans la propriété du Palais.

Malgré ces prévenances, les Parisiens crièrent ; malgré les cris des Parisiens, les maçons et la coignée allèrent leur train ; et en 1787, trois façades furent achevées ; mais les troubles survinrent lorsqu’on jetait les fondations de la quatrième, qui ne devait différer des trois autres que par un petit dôme, semblable au pavillon de l’Horloge des Tuileries, et par une colonnade inférieure, à jour. La révolution arrêtant les travaux, on construisit des hangards en planches, dans lesquels on disposa deux promenoirs et deux rangées de barraques. Elles portèrent d’abord le nom de Camps de Tartares, qui fut bientôt remplacé par celui de Galerie de Bois, dont la renommée s’est étendue dans les trois mondes.

Ceux qui peuvent comparer ces Galeries de Bois avec la belle promenade achevée en 1829, s’accorderont à remercier la puissance industrielle qui transforme un cloaque en une magnifique habitation, mais ils seront unanimes à regretter que cette puissance n’ait pu donner au nouvel édifice la couleur pittoresque de l’ancien.

Un pavé de marbre, toujours brillant de propreté, remplace la terre battue et fangeuse sur laquelle on piétinait ; un dôme de cristal multiplie les rayons du soleil, là où de petites fenêtres les tamisaient au travers de leur crasse ; des vestibules spacieux et de larges ouvertures appellent les ondulations de l’air qui croupissait autrefois dans les recoins ; des magasins transparens, éclatant de métal poli, éclairés par un large vitrage, étalant des marchandises variées, ont été substituées aux vilaines barraques tout ouvertes que la poussière envahissait. Des glaces sont plaquées de haut en bas sur chaque pilastre ; les ornemens, les moulures, sont prodigués ; une balustrade à jour règne sur le pourtour au-dessous du toit de verre ; à l’extérieur une colonnade tourne autour de la galerie ; elle est couronnée par une terrasse, sur laquelle s’élève symétriquement une enfilade de cylindres surmontés de boules dorées. Une double rangée de vases remplis de fleurs achève la décoration de la promenade supérieure, tandis qu’à l’intérieur une longue suite de globes de cristal se remplit chaque soir de lumière.

Eh bien ! malgré toutes ces belles choses, malgré l’élégance du lieu, le Palais-Royal a perdu une partie de son prestige, de son caractère original. Il n’a plus de couleur locale ; c’est un magnifique et riche bazar, mais ce n’est qu’une reproduction en grand des bazars, des passages, des galeries, dont Paris, chaque jour, se décore. Doit-on s’en plaindre ou s’en réjouir ? ce que la moralité publique a gagné compense-t-il la froideur qui règne dans ces lieux autrefois si animés ? — Nous laissons au lecteur le soin de répondre à cette question.

M. de Chateaubriand dit, en parlant des O-Tahïtiennes si voluptueuses autrefois et puritaines aujourd’hui, qu’elles expient dans un grand ennui la trop grande gaieté de leurs mères. Si ce principe d’expiation était une loi générale, le Palais-Royal aurait pour long-temps à porter le deuil. Mais nous, qui ne pleurons point le vieux temps, nous ne voyons dans tout ceci qu’une époque de repos. L’ancien peuple que les Galeries de Bois avaient enfanté, et qui vivait dans leur obscurité, a dû disparaître et périr sous la lumière d’un ciel pur. Laissons couler quelque peu d’années, et la génération actuelle fera les frais d’un peuple nouveau, qui, sans avoir la licence de l’ancien, en reproduira la verve et l’originalité.




LA SEMAINE.

CALENDRIER HISTORIQUE.

Évènemens. — Fondations. — Nécrologies.

9 Février 1596. — On pend sur la place de Grève un jeune homme nommé La Ramée, qui se disait fils de Charles IX, et qui s’était rendu à Reims pour se faire sacrer roi. Il prétendait que la reine-mère, Catherine de Médicis, l’avait enlevé après sa naissance, et qu’ayant été exposé comme un enfant dont on voulait se défaire, il avait été recueilli et élevé par un gentilhomme du Poitou, nommé Gilles La Ramée. De notre tenîps, les prétentions de Mathurin Bruneau et du duc de Normandie ne pouvaient pas avoir une si fatale issue.

9 Février 1649. — Charles Ier, roi d’Angleterre, condamné à mort, est exécuté par un bourreau masqué, devant le palais de Wittehall. Il était.âgé de quarante-neuf ans. Après lui, Cromwell se plaça à la tête du gouvernement, sous le titre de Protecteur.

9 Février 1751. — Mort de Henri-François d’Aguesseau, Chancelier de France, savant et éloquent magistrat. Il était né à Limoges, le 27 novembre 1668.




10 Février 1753. — Mort de Montesquieu, président du parlement de Bordeaux, auteur de l’Esprit des Lois, œuvre de génie qui a puissamment influé sur la marche des idées dans toute l’Europe. Montesquieu a encore composé le Traité sur la grandeur et la décadence des Romains, les Lettres persanes, et le Temple de Guide.

10 Février 1806. — Mort de Tronchet, célèbre jurisconsulte, l’un des rédacteurs du Code civil. Il était déjà presque septuagénaire lorsque, le 12 décembre 1792, il accepta la défense de Louis XVI.




11 Février 1650. — Mort de René Descartes, l’un des plus célèbres auteurs philosophiques des temps modernes. Son ouvrage sur la Méthode est le plus répandu. Il était né dans la Touraine en 1590, et est mort en Suède, où il avait été appelé par la reine Christine. La Fontaine lui a consacré ces vers :

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Dans les siècles passés, et qui tient le milieu
Entre l’homme et l’esprit…


11 Février 1753. — Mort de Maffeï, poète tragique italien. Mérope est le sujet de sa plus célèbre tragédie. Pendant sa dernière maladie, on fit à Vérone des prières publiques. Après sa mort, le Conseil lui décerna des obsèques solennelles, et son oraison funèbre fut prononcée publiquement dans la cathédrale.

11 Février 1800. — La Banque de France se constitue et entre en exercice. Nous donnerons un article sur cette institution.




12 Février 1652. — Arrêt du Parlement de Paris, portant que le livre de l’Imitation de Jésus-Christ ne serait plus imprimé sous le nom de Jean Gersen, mais sous celui de Thomas-à-Kempis. On continue à débattre de nos jours la question de savoir quel en est le véritable auteur.

12 Février 1763. — Mort de Marivaux, né à Paris en 1688. On joue encore souvent au Théâtre Français plusieurs de ses pièces. Mademoiselle Mars est très admirée dans les Fausses confidences et dans le Jeu de l’Amour et du Hasard. La Vie de Marianne, roman du même auteur, renferme des observations de mœurs assez remarquables. C’est aux ouvrages ou aux conversations qui rappellent le genre presque