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tourna et je demeuray à Esprunes deux sebmaines. Je ne veux oublier à remarquer que ung prestre chapellain du dit lieu et qui se tenoit à Melun, me vint voir, et me consolant entre autres propos me dit : « Puisque les jugemens de Dieu commencent en sa maison, les meschans et iniques doibvent avoir grant peur. » Au bout de quinze jours, je remontai sur ung asne et m’en allé à quattre lieues de là, chez monsr de la Borde, mon frère aisné, que je trouvay en une grande perplexité, tant pour avoir esté contraint pour se conserver d’aller à la messe, comme estant lors poursuivy pour faire d’estranges abjurations. Nos amys de Paris, sachantz que j’estois là et craingnant que je le destournasse de faire les dittes abjurations, luy donnèrent avis de sa ruyne s’il me retenoit là sans aller à la messe, de sorte que le dimanche, comme son prestre estoit en sa chapelle, me fait entrer avec luy dedans. Voyant le prestre, je luy tournay le dos et m’en allay assez esplorée ; mon frère eust voulu lors ne m’en avoir jamais parlé. Je prins résolution de n’y faire plus long séjour, et d’autant qu’au partir de Paris je n’avoy que quinze testons dans ma bourse, et rien de ce que j’estoy vestue à moy par qu’il avoit fallu me desguiser, j’emploïay la sebmaine à cercher un chartier pour me conduire à Sedan ; et sur quinze cens frans qui m’estoient deubs là autour, j’en receus quarante escus, et durant le séjour que je fis à la Borde une mienne femme de chambre et ung de mes gens vinrent me trouver. Je fis entandre à mon frère ma résolution qu’il trouvoit hazardeuse ; touteffois, il m’ayda de faire résouldre mon chartier à me conduire qui auparavant en faisoit difficulté ; me priant toutef-