Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cause que monsr de Senlis m’oublia, joint que luy voulant aller par la rue fut arresté, et sans ung signe de croix que l’on luy vit faire, (car il n’avoit point congnoissance de la religion,) il eust esté en danger de sa vie. L’ayant attendu quelque demye heure et voyant que la sédition s’esmouvoit fort en la ditte rue St Anthoyne, j’envoyay ma fille, qui lors avoit troys ans et demy, au cou d’une servante, chez monsr de Perreuze qui estoit maistre des Requestes de l’hostel du Roy, et ung de mes meilleurs parens et amys, qui la fit entrer par une porte de derrière, la receut et me manda que sy j’y voulois aller, que je serois bien venue ; j’acceptay son offre et m’y en allay, moy septiesme. Il ne savoit point encores lors tout ce qui estoit arrivé ; mais ayant envoyé ung des siens au Louvre, il luy rapporta la mort de monsr l’Amiral et de tant de seigneurs et gentilshommes, et que la sédition estoit[1] par toute la ville. Il estoit lors huit heures du matin ; je ne fus pas sy tost partie de mon logis que des domestiques du duc de Guise y entrèrent, appelèrent mon hôste pour me trouver, et me cherchèrent partout ; enfin, ne me pouvant trouver envoyèrent chez ma mère luy offrir que sy je leur vouloys apporter cent escus, ils me conserveroient et la vie et tous mes meubles. Ma mère m’en envoya donner avis chez M. de Perreuze ; mais après y avoir ung peu pensé, je ne trouvay point bon qui seussent où j’estoy, ny que je les allasse trouver, mais bien suppliay ma mère de leur faire entendre qu’elle ne

  1. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent : « la sédition estoit allumée par toute la ville. »