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contre la personne, pour exciter le peuple contre luy ; et néantmoins, pendant tout ce temps, ne laissa de converser avec toute liberté par la ville, fréquentant toutes sortes de compagnies, pour faire voir à tous qu’il estoit prest de maintenir de vive voix ce qu’il avoit escrit. Offrit mesme, contre ce qu’ilz publièrent des passages allégués faux, que sy les professeurs et docteurs de Paris luy en vouloient bailler la liste signée de leurs mains, de les leur vérifier en deux fois vingt et quattre heures ; mais ilz s’excusèrent, se disans estre de ce empeschez par quelques règlementz et obédiences, et avoir nomméement défense de l’Evesque de Paris au contraire. Ilz firent plus, car à leur sollicitation vint une dépesche de Rome, en laquelle le Pape se plaignoit de ce livre dont l’autheur seroit des plus intimes serviteurs et conseillers du Roy, lequel cependant osoit le qualifier et maintenir d’Antéchrist. Et là dessus représentèrent plusieurs au Roy de quelle conséquence cela luy estoit, mesme sur ce qu’il avoit tant de besoin de la faveur du Pape, soit pour se démarier, soit pour se marier ; chose qu’il avoit uniquement à cœur. Le Roy néantmoins ne luy en dit jamais mot, ny fit pire visage ; bien peut estre cela la cause qu’il ne le jetta point plus avant en ses affaires. Et disoit seulement S. M. estre marrie qu’à ceste occasion il ne peut pas l’approcher sy près de luy qu’il eust désiré. Sa Majesté donq luy en fit tenir propos par monsieur de la Force, capitaine de ses gardes, gentilhomme fort accomply et fort son amy, auquel il fit responce qu’il n’avoit rien faict sans considération et avoit préveu tout ce qui luy en pouvoit ave-