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N’est à oublier que le Roy de Portugal[1], don Antonio, réfugié en Angleterre, désira parler à monsieur du Plessis, lequel le fut saluer et communiqua par deux foys avec luy ; son but estoit de faire une descente en Portugal, en certaines terres et portz dont il luy dressa mémoyres, et en espéroit un grand fruictz et progrès, moyennant une avance de deux centz mille escus pour une armée navale. Les particularités en sont esditz mémoyres ; mais monsr du Plessis luy remonstra que Sa Majesté n’y pouvoit entendre qu’avenant un bon succès du siége de Rouen, lequel il le supplia d’attendre en patience.

Pendant qu’il fut en Angleterre, estoit fort eschauffée la dispute contre ceux qu’on appelle Puritains, (ce sont ceux qui abhorrent les cérémonies retenues en Angleterre), contre lesquelz on avoit tellement aigri la Royne qu’on avoit projetez une persécution contre eux. L’Evesque de Wincestre, nommé Thomas Cooper, grand aumosnier de la Reyne, vit là dessus M. du Plessis pour communiquer avec luy de ce différent, lequel l’addoucit fort luy remonstrant combien il falloit supporter de ses frères ès choses indifférentes, et jusques à quoy la charité nous obligeoit sans préjudice de la foy. Estant mesmes de retour en France, ledit sieur Evesque luy escrivit sur ce subject, luy envoya en zeze

  1. Don Antonio, prince de Crato, était fils naturel du grand-oncle de don Sébastien, dernier roi de Portugal, mort en Afrique, et dont le sort resta longtemps inconnu. Il aspirait au trône lorsque Philippe II s’empara du royaume. La reine Élisabeth lui avait accordé quelques secours. Il finit par s’établir à Paris, où il mourut en 1595.