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ques tentations, bon, qui ne fait conséquemment rien que pour le bien des siens. Or, venans à considérer chacun en son particulier, ce ne nous est pas une petite bénédiction d’estre naiz de parens chrestiens qui nous ayent précédés en la crainte de Dieu, et en la personne desquels nous ayons comme receu les arres de ses miséricordes qui durent en mille générations. Car alors nous pouvons dire avec le prophète : « Nos pères ont eu fiance en toy, ils ont eu fiance et tu les as délivrés, » et de ceste miséricorde première s’en engendre une autre suivie aussy d’une conforme confiance : « C’est toy qui m’as retiré du ventre, qui m’as donné assurance dès que je sucey les mammelles, qui es mon Dieu dès les entrailles de ma mère, » mais qui vient bien à croistre et à multiplier quand nous venons à considérer le siècle où Dieu nous a fait naître, ténébreux en ce qui est de son service, s’il en fut jamais, et auquel, touteffois, il a fait reluire son Evangile et nous a daigné illuminer, confus en ce qui est de l’estat du monde et plein de dangers et de traverses, et esquelz touteffois il nous fait traverser miraculeusement. Tellement qu’il n’y a aâge, année, jour presque ou moment de nostre vie qui n’ait sa matière de louer Dieu, particulièrement à laquelle plusieurs vies ensemble ne pourroient pas fournir. Certes, une des plus belles louanges que nous en puissions donner à Dieu, c’est de méditer souvent le fil de nostre vie, le soin qu’il daigne prendre de nous, non comme du commun, sur qui il fait pleuvoir indifféremment, mais comme d’un enfant qu’il mène par la main, qu’il prend la pène de reprendre et d’apprendre ; sur