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d’estre la première qui rallia l’armée et qui se trouva à Ivry à la poursuite de la victoire. Monsieur du Plessis eut à louer Dieu ce jour, particulièrement qu’ayant eu à soustenir un tel effort, il ne perdit un seul des siens, sauf le pauvre M. de Feuquères (qu’il regretta fort) ; encor fut ce hors de l’effort du combat. Il y en eut mesmes peu de blessés, mais jusques à treize chevaux tués au combat et la plus part de coups de main. Poursuivant, il eut encor une joye de rencontrer M. de Buhy, son frère, qui s’enquéroit de luy, lequel n’estoit arrivé en l’armée qu’au premier coup de canon. Le Roy arrivé à Rhosny se retira en son cabinet avec peu et loua Dieu de ceste victoire sy signalée, et demandant à M. du Plessis ce qui luy en sembloit : « Vous avés faict. Sire, luy dit il, la plus brave folie qui fut jamais faicte, car vous avés joué votre Royaume en un coup de dé ; mais vous avés eu à connoistre que le sort est en la main de Dieu. Et faut à bon escient que les fruitz luy en soient consacrez. Au reste, nous vous faisons serment tous de combattre pour votre conservation ; mais nous en requérons de vous un autre doresnavant pour la nostre, c’est que vous nous promettiez de ne combattre point, » et plusieurs raisons à ce propos, que S. M. prit en bonne part et promit de le faire ; mais à la veue de l’ennemy, ne souffre point qu’on le luy ramentoive[1], et ne s’en souvient point. Il fit ce mesme soir de sa main toutes les dépesches pour avertir de ceste victoire, parce qu’il n’y avoit point de secrétaire d’Estat près du Roy ; et le lende-

  1. Qu’on le lui rappelle.