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part ; S. M. faisant prescher en l’abbaye de la Cousture au fauxbourg du Mans, l’appella au milieu de l’assemblée, et luy dit à l’oreille : « Qui vous eust dit il y a deux ans qu’on eust presché l’Evangile au Mans ? — Mais à vous, Sire, dit-il, qu’on l’eust presché en la sale du Roy de France ? »

Aucuns lors pressoient fort S. M. de réunir son patrimoine au domaine de la couronne, ce qu’aussy il empescha, mesmes en considération de Madame, sa sœur unique. Il luy remonstra, faisant cela, que son patrimoine deviendroit inaliénable comme le domaine de France ; s’il n’avoit point d’enfans, que Madame sa sœur en seroit frustrée ; s’il n’avoit que des filles, qu’elles n’auroient rien ny en l’un, ny en l’autre ; s’il avoit des puisnés, qu’il ne les pouvoit avantager que sur son patrimoine ; s’il avoit besoin d’argent, que son patrimoine, demeurant en sa nature, se vendroit au denier 60, 80 et 100 ; passant en nature de domaine de France au denier 10[1] ou 12 seulement ; au reste qu’il feroit tort à plusieurs ausquelz il devoit, desquelz il changeroit les actions et droictz en changeant la nature de ses terres. Sur quoi Sa Majesté respondit qu’aussy ne le feroit il point quoi qu’on luy dist, et appellant M. le mareschal de Biron lui dist : « J’avoy tousjours bien sceu que je ne devoy pas unir mon patrimoine, mais je ne scavoy pas les raisons qu’il m’a dites, que je vous prie d’entendre de luy. » Et mon dit sr le mareschal fut tousjours depuis de ce mesme advis, ce que j’ay remarqué icy plus particiculièrement pour un

  1. Comme estant le fond inaliénable.