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celle estoient que le pays ne pouvoit se défendre tout seul, et que contre l’Hespagnol, il ne pouvoit estre secouru que des François. M. du Plessis, connoissant partie le naturel de feu monseigneur d’Alençon et partie la malice et imprudence de ses conseillers, et surtout la haine contre la religion, jugeoit leurs conseils et intentions incompatibles, et souvent disoit à feu monsr le Prince d’Orange, s’il s’en pouvoit passer, que c’estoit le meilleur ; s’il ne pouvoit, qu’il l’eust pour ayde, plus tost que comme maistre ; sy pour maistre, qu’au moins il l’obligeast à telles conditions qu’il ne luy fust pas possible de nuire quand il voudroit. Le dit Seigneur le Prince estoit las de pâtir[1], battu tant de la longueur de la guerre ou de la rigueur de la calomnie, tellement qu’il s’y résolvoit du tout et le pria de l’assister à ceste intention. Après plusieurs protestations, le premier effet en parut à Gand, où il fut résolu de renoncer à l’obéyssance du Roy d’Hespagne, et procéder l’élection d’un nouveau Prince, à quoy il s’employa avec ceste assurance qu’il seroit obligé à certaines conditions qui furent dressées, moiennant lesquelles il n’en pouvoit humainement arriver inconvénient, mais lesquelles on relascha aussytost, parceque l’on s’aydoit à estre trompé. Particulièrement, je le voiois fort scandalisé de ce qu’un sy grand affaire estoit manié sy nonchalamment ; les députés qui allèrent traicter avec feu monseigneur se laissant conduire par des désertz jusqu’en Guascoigne, où on leur fai-

  1. L’édition de M. Auguis porte : « las de partir » ce qui ne signifie rien ; les deux manuscrits donnent : « las de patir, de souffrir. »