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tenu à madame de la Noüe ; de sorte qu’elle s’en souvenant lorsqu’ilz furent arrestez à la Tricherie et eurent passé tant de dangers sur le chemin, elle luy demanda à son avis sy c’estoit le danger dont il luy avoit parlé où il debvoit tomber. Il luy dit que non, mais que, dans peu de temps, il y tomberoit, très-assuré que Dieu l’en sauveroit. Huit jours après qu’il fut arrivé à la Rochelle, s’estant remis en équipage et emprunté argent pour parachever son voyage, qui luy fut volontiers preste par monsieur de Rohan[1], il reprit un petit vaisseau et passa en Angleterre, où il m’avoit mandée. Je le vins donc trouver à Londres où nous fusmes plus de dix-huit moys, avec plus de repos et non touteffois sans plusieurs affaires. Au commencement, il y fut fort bien receu, et sur ce qu’il demandoit cent mil escus, la Royne lui en accorda quattre-vingtz mil. Mais entre la promesse et l’effect, sa négociation fut traversée par la prise de la Charité[2] et le changement de M. le mareschal de Montmorency, gouverneur de Languedoc, tellement que ses amys le conseilloyent de se retirer sans plus y rien prétendre. Il répondit que l’inconstance de la mer aydoit ceux qui en scavoient user, qu’une vague abbaissoit et l’autre relevoit, enfin, qu’il vouloit user de patience. Et de fait, ramena par divers moyens la Royne à ceste première bonne volonté. Et fut la somme envoyée à Hambourg, en Allemaigne pour estre employée à un secours estran-

  1. René II, vicomte de Rohan, père du célèbre duc Henry de Rohan.
  2. Prise au mois d’avril 1577, par le duc d’Anjou (Alençon), à la tête de l’armée du Roi, sur les protestants.