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cette ivresse mystérieuse dans la coupe céleste appelée Coupe de Bacchus, et que l’on voit placée au ciel entre le Cancer et le Lion. On désigne par cet emblème l’état d’enivrement que l’influence de la matière, tumultuairement agitée, cause aux âmes qui doivent descendre ici-bas. C’est là que déjà l’oubli, compagnon de l’ivresse, commence à se glisser en elles insensiblement ; car si elles portaient jusque dans les corps la connaissance qu’elles avaient acquise des choses divines dans leur séjour des cieux, il n’y aurait jamais entre les hommes de partage d’opinions sur la Divinité ; mais toutes, en venant ici-bas, boivent à la coupe de l’oubli, les unes plus, et les autres moins. Il arrive de là que la vérité ne frappe pas tous les esprits, mais que tous ont une opinion, parce que l’opinion naît du défaut de mémoire. Cependant moins l’homme a bu, et plus il lui est aisé de reconnaître le vrai, parce qu’il se rappelle sans peine ce qu’il a su antérieurement. Cette faculté de l’âme, que les Latins nomment lectio, les Grecs l’appellent réminiscence, parce qu’au moment où la vérité se montre à nous, les choses se représentent à notre entendement telles que nous les voyions avant que les influences de la matière eussent enivré les âmes dévolues à nos corps. C’est de ce composé de matière et d’idées qu’est formé l’être sensible, ou le corps de l’univers. La partie la plus élevée et la plus pure de cette substance, qui alimente et constitue les êtres divins, est ce qu’on appelle nectar : c’est le breuvage des dieux. La partie inférieure, plus trouble et plus grossière, c’est le breuvage des âmes ; et c’est ce que les anciens ont désigné sous le nom de fleuve Léthé.

Par Bacchus, les orphiques entendent la matière intelligente, ou la monade devenue dyade. Leurs légendes sacrées disent que ce dieu, rais en pièces par les Titans furieux, qui avaient enterré les lambeaux de son corps, renaquit sain et entier ; ce qui signifie que l’intelligence, se prêtant successivement aux deux modifications de divisibilité et d’indivisibilité, se répand, au moyen de la première, dans tous les corps de la nature, et redevient, au moyen de la seconde, le principe unique.

L’âme, entraînée par le poids de la liqueur enivrante, coule le long du zodiaque et de la voie lactée jusqu’aux sphères inférieures ; et dans sa descente, non seulement elle prend, comme on l’a dit plus haut, une nouvelle enveloppe de la matière de ces corps lumineux, mais elle y reçoit les différentes facultés qu’elle doit exercer durant son séjour dans le corps. Elle acquiert, dans Saturne, le raisonnement et l’intelligence, ou ce qu’on appelle la faculté logistique et contemplative ; elle reçoit de Jupiter la force d’agir, ou la force exécutrice ; Mars lui donne la valeur nécessaire pour entreprendre, et la fougue impétueuse ; elle reçoit du soleil les facultés des sens et de l’imagination, qui la font sentir et imaginer ; Vénus lui inspire le mouvement des désirs ; elle prend dans la sphère de Mercure la faculté d’exprimer et d’énoncer ce qu’elle pense et ce qu’elle sent ; enfin, dans la sphère de la lune, elle acquiert la force nécessaire pour propager par la génération et accroître les corps. Cette sphère lunaire, qui est la dernière et la plus basse relativement aux corps divins, est la première et la plus haute relativement aux corps terrestres. Ce corps lunaire, en même temps