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La prudence politique consiste à régler sur la droite raison toutes ses pensées, toutes ses actions ; à ne rien vouloir, à ne rien faire que ce qui est juste, et à se conduire en toute occasion comme si l’on était en présence des dieux. Cette vertu comprend en soi la justesse d’esprit, la perspicacité, la vigilance, la prévoyance, la douceur du caractère, et la réserve.

La force politique consiste à ne pas laisser offusquer son esprit par la crainte des dangers, à ne redouter que ce qui est honteux, à soutenir avec une égale fermeté les épreuves de la prospérité et celles de l’adversité. Cette vertu renferme l’élévation de l’âme, la confiance en soi-même, le sang-froid, la dignité dans les manières, l’égalité de conduite, l’énergie de caractère, et la persévérance.

La tempérance politique consiste à n’aspirer à rien de ce qui peut causer des regrets, à ne pas dépasser les bornes de la modération, à assujettir ses passions au joug de la raison. Elle a pour cortège la modestie, la délicatesse des sentiments, la retenue, la pureté des mœurs, la discrétion, l’économie, la sobriété, et la pudeur.

La justice politique consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient. À sa suite marchent la bouté d’âme, l’amitié, la concorde, la piété envers nos parents et envers les dieux, les sentiments affectueux, et la bienveillance.

C’est en s’appliquant d’abord à lui-même l’usage de ces vertus, que l’honnête homme parvient ensuite à les appliquer au maniement des affaires publiques, et qu’il conduit avec sagesse les choses delà terre, sans négliger celles du ciel.

Les vertus du second genre, qu’on nomme épuratoires, sont celles de l’homme parvenu à l’intelligence de la Divinité ; elles ne conviennent qu’à celui qui a pris la résolution de se dégager de son enveloppe terrestre pour vaquer, libre de tous soins humains, à la méditation des choses d’en haut. Cet état de contemplation exclut toute occupation administrative.

Nous avons dit plus haut en quoi consistent ces vertus du sage, et les seules qui méritent ce nom, s’il en faut croire quelques philosophes.

Les vertus du troisième genre, ou les vertus épurées, sont le partage d’un esprit purifié de toutes les souillures que communique à l’âme le contact du monde. Ici la prudence consiste, non seulement à préférer les choses divines aux autres choses, mais à ne voir, à ne connaître et à ne contempler qu’elles, comme si elles étaient les seules au monde.

La tempérance consiste, non seulement à réprimer les passions terrestres, mais à les oublier entièrement ; la force, non pas à les vaincre, mais à les ignorer, de manière à ne connaître ni la colère ni le désir ; enfin, la justice consiste à s’unir assez étroitement à l’intelligence supérieure et divine, pour ne jamais rompre l’engagement que nous avons pris de l’imiter.

Les vertus exemplaires résident dans l’intelligence divine elle-même, que nous appelons νοῦς, et d’où les autres vertus découlent par ordre successif et gradué ; car si l’intelligence renferme les formes originelles de tout ce qui est, à plus forte raison contient-elle le type des vertus. La prudence est ici l’intelligence divine elle-même. La tempérance consiste dans une attention toujours soutenue et tournée sur soi-même ; la force, dans une immobilité que rien ne dément ; et la justice est ce qui, soumis à la loi éternelle, ne s’écarte point de la continuation de son ouvrage.