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lamproies. M. Varron vient à l'appui de cette opinion, en disant que les Licinius furent surnommés Muréna, par la même raison que Sergius fut surnommé Orata (dorade), parce qu'il aima beaucoup le poisson qui porte. ce nom. C'est ce Sergius Orata qui le premier fit construire des baignoires suspendues en l'air, qui le premier fit parquer des huîtres aux environs de Baies, et qui le premier fit la réputation de celles du lac Lucrin. Il fut le contemporain de l'éloquent L. Crassus, dont Cicéron lui-même atteste la sagesse et la gravité. Néanmoins, ce Crassus, qui fut censeur avec Cn. Domitius, et qui passait pour l'homme le plus éloquent de son temps et le plus illustre de ses concitoyens, fut si contristé de la mort d'une lamproie qu'il conservait chez lui dans un bassin, qu'il la pleura comme s'il eût perdu sa fille. Ce trait ne fut point ignoré, car son collègue Domitius le lui reprocha dans le sénat, comme un crime honteux : mais Crassus non seulement ne rougit pas de l'avouer, mais même il s'en glorifia, bon Dieu, ce censeur, comme d'une action qui prouvait la bonté et la tendresse de son cœur. Le fait rapporté par M. Varron, dans son traité De l'agriculture, savoir que M. Caton, celui qui dans la suite périt à Utique, ayant été institué héritier par le testament de Lucilius, vendit les poissons de sa piscine pour la somme de quarante mille petits sesterces; ce trait indique assez de quelle quantité de poissons les plus précieux les illustres Romains Lucilius, Philippus et Hortensius, que Cicéron appelle piscenaires, avaient rempli leurs piscines. On amenait les lamproies dans les piscines de Rome, jusque du détroit de Sicile, entre Reggio et Messine. C'est de là que les prodigues tiraient celles qui passent pour les meilleures en vérité, ainsi que les anguilles ; les Grecs appelaient les deux sortes de poissons qu'on tirait de ce lieu πλωταὶ (nageurs), et les Latins flutae (flotteurs), parce qu'ils viennent nager à la surface de l'eau pour s'échauffer au soleil, ce qui permet de plonger au-dessous d'eux, et de les prendre plus facilement. Je serais trop long si je voulais passer en revue les auteurs nombreux et distingués qui ont vanté les lamproies du détroit de Sicile; je me contenterai de rapporter un passage de Varron dans son livre intitulé Gallus, des choses étonnantes. In Sicilia quoque, inquit, manu capi murenas flutas, quod eae in summa aqua prae pinguedine flutentur « En,Sicile, dit- il, on prend les lamproies avec la main; et on les appelle flutées, parce qu'elles sont si grasses qu'elles flottent à la surface de l'eau. »

Voilà les expressions de Varron. Assurément on ne peut nier que ceux qui faisaient venir d'une mer si éloignée les objets de leur gourmandise étaient doués d'une gloutonnerie indomptable et renforcée (vallatam), selon l'expression de Cecilius. La lamproie n'était pas rare à Rome, quoiqu'on la fît venir de loin. Pline nous apprend que le dictateur C. César, donnant des festins au peuple à l'occasion de ses triomphes, C. Hirrius lui vendit six mille livres pesant de lamproies. La maison de campagne de cet Hirrius, quoiqu'elle ne fût pas grande, se vendit quarante millions de petits sesterces, à cause des viviers qui s'y trouvaient.

CHAPITRE XII. De l'esturgeon, du mulet, du score, et du loup. (CHAPITRE XV du livre III dans LACUS CURTIUS)

L'esturgeon que les mers nourrissent pour l'