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On a beaucoup parlé des bons mots que Cicéron laissa échapper durant le consulat de quelques jours de Vatinius.

Magnum ostentum anno Vatinii factum est, quod illo consule nec bruma nec ver nec aestas nec autumnus fuit

« II est arrivé, disait-il, un grand prodige dans l'année de Vatinius : c'est qu'il n'y a eu, durant son consulat, ni hiver, ni printemps, ni été, ni automne. »

Une autre fois Vatinius se plaignant de qu'il n'était pas venu chez lui pendant qu'il était malade, Cicéron lui répondit : Volui in consulatu tuo venire, sed nox me conprehendit

« Je voulais t'aller voir durant ton consulat, mais la nuit m'a surpris en route. »

Cicéron semblait parler ainsi par un sentiment de vengeance, se ressouvenant que lorsqu'il se vantait d'être revenu de son exil porté sur les épaules du peuple, Vatinius lui avait répondu

Unde ergo tibi varices?

« D'où sont donc venues tes varices? »

Caninius Révilius, qui, comme Servius l'a déjà dit, ne fut consul qu'un jour, monta à la tribune aux harangues pour y recevoir les honneurs du consulat et les y déposer en même temps; ce que Cicéron, qui saisissait avec plaisir toutes les occasions de plaisanter, relevaen disant:

Λογοθεώρητος est Caninius consul,

« Caninius est un consul logothéorète.»

Il disait aussi :

Hoc consecutus est Revilus, ut quaereretur quibus consulibus consul fuerit

« Révilius a si bien fait, qu'on est obligé de chercher sous quels consuls il a été consul; »

ce qui ne l'empêcha pas d'ajouter encore,:

Vigilantem habemus consulem Caninium, qui in consulatu suo somnum non vidit

« Nous avons dans Caninius un consul vigilant, qui n'a point goûté le sommeil de tout son consulat. »

Pompée supportait impatiemment les plaisanteries de Cicéron; voici ce que celui-ci disait sur son compte :

Ego vero quem fugiam habeo, quem sequar non habeo.

« J'ai bien qui fuir, mais je n'ai pas qui suivre. »

Cependant il vint trouver Pompée; et comme on lui reprochait qu'il venait tard:

Minime sero veni: nam nihil hic paratum video.

« Nullement, puisque je ne vois ici rien de prêt. »

Il répondit ensuite à Pompée, qui lui demandait où était son gendre Dolabella :

Cum socero tuo.

« Il est avec votre beau-père ( César). »

Une autre fois Pompée ayant accordé à un transfuge les droits de citoyen romain :

Hominem bellum Gallis civitatem promittit alienam, qui nobis nostram non potest reddere.

« Un bel homme, dit Cicéron, peut promettre aux Gaulois les droits de citoyen chez les autres, lui qui ne peut pas nous les rendre à nous-mêmes dans notre patrie. »

Ces mots paraissent justifier celui que dit Pompée

Cupio ad hostes Cicero transeat, ut nos timeat

« Je souhaite que Cicéron passe à nos ennemis, pour qu'il nous craigne. »

La mordante causticité de Cicéron s'exerça aussi sur César lui-même. Interrogé, peu après la victoire de César, comment il s'était trompé dans le choix d'un parti, il répondit :

Praecinctura me decepit

« La ceinture m'a trompé; »

voulant par là railler César, qui ceignait sa toge de manière qu'en laissant traîner le pan, il avait la démarche d'un homme efféminé; ce qui même fut cause que Sylla avait dit presque prophétiquement à Pompée :

Cave tibi illum puerum male praecinctum.

« Prenez garde à ce jeune homme mal ceint. »

Une autre fois, Labérius, à la fin des jeux publics, après avoir reçu les honneurs de l'anneau d'or de la main de César, passa aussitôt après, du théâtre parmi les spectateurs, aux siéges du quatorzième rang, comme étant réhabilité dans l'ordre des chevaliers, dont il avait dérogé en jouant un rôle de comédien. Cicéron lui dit, au moment où il passait devant lui pour chercher un siège :

Recepissem te, nisi anguste sederem,

« Je te recevrais si je n'étais assis trop à l'étroit. »

Par ces mots, en même temps qu'il le repoussait, il raillait le nouveau sénat, que César avait porté au delà du nombre légal. Mais son sarcasme ne resta pas impuni, car Labérius lui répondit :

Mirum, si anguste sedes, qui soles duabus sellis sedere

« Il est merveilleux que tu soies assis à l'étroit, toi qui as l'habitude de siéger sur deux bancs. »

II censurait par ces mots la mobilité de Cicéron, imputation qui pesait injustement sur cet excellent citoyen. Le