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Au milieu de tous ces événements le gouvernement avait pris une autre forme ; mais, comme le vice-roi ne voyait dans ce changement une garantie suffisante ni par la famille des Médicis ni par la Ligue, il signifia aux seigneurs l’ordre de rétablir l’État sur le même pied que du vivant du magnifique Laurent. Les nobles ne demandaient pas mieux que d’obéir à cet ordre ; mais ils craignaient que la multitude ne voulût point y concourir ; et tandis qu’on discutait sur la manière de se conduire dans la circonstance, le légat fit son entrée à Florence, accompagne d’un assez grand nombre de troupes, composées en partie d’italiens. Le 16, les seigneurs ayant réuni au palais une certaine quantité de citoyens, parmi lesquels se trouvait le magnifique Giuliano, délibéraient sur la réforme du gouvernement, lorsqu’il s’éleva par hasard un peu de tumulte sur la place. Ramazzoto et sa troupe saisirent ce prétexte pour prendre les armes, et s’emparèrent du palais en criant : Les balles ! les balles ! Soudain toute la ville fut en armes, et le même cri retentit de toutes parts. Les seigneurs se virent contraints alors de convoquer l’assemblée du peuple, que nous appelons Parlement ; et l’on y promulgua une loi qui rétablissait les Médicis dans tous les honneurs et dignités qu’aï aient possédés leurs ancêtres. C’est ainsi que le calme le plus parfait fut rétabli dans la ville, qui espère ne pas vivre moins honorablement sous la protection de ces princes que dans les temps passés, lorsque leur père le magnifique Laurent, de glorieuse mémoire, la gouvernait.

Telles sont, très illustre dame, les circonstances particulières de cette grande révolution. Je n’ai pas voulu m’appesantir sur certains détails qui auraient pu vous déplaire, ou comme affligeants, ou comme de peu d’importance ; je me suis étendu sur tout le reste autant que peuvent le permettre les limites d’une lettre. Si j’ai satisfait aux désirs de votre illustrissime seigneurie, je suis assez récompensé ; dans le cas contraire, je réclame mon pardon de votre indulgence. Quæ diù et felix valeat[1].

  1. La date de cette lettre manque ainsi que le nom de la personne à laquelle elle est adressée. La copie s’en trouve rapportée ainsi dans les manuscrits de Julien de [illisible] neveu de l’auteur. Quand à sa date, elle doit être de septembre 1512 ; quand à la personne, Julien conjecture que c’est madame Alfonsine, mère de Laurent de Médicis, qui fut par la suite duc d’Urbin.