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LETTRES FAMILIÈRES.

montagnes, on résolut d’envoyer deux mille hommes d’infanterie à Firenzuola, château situe sur la frontière, entre Florence et Bologne, dans l’espoir que les Espagnols, pour ne pas laisser sur leurs derrières un corps de troupes aussi nombreux, se détourneraient de leur marche pour former le siege de ce château, et nous donneraient ainsi le temps de grossir notre armée et de résister avec plus d’avantage à leur attaque. On crut de la prudence de ne pas faire tenir la campagne à nos troupes, mais de se borner à défendre la position de Prato, place très forte, située dans la plaine, au pied des montagnes par où l’on descend dans le Mugello, et éloignée seulement de Florence de dix milles. Cette place paraissait assez vaste pour contenir toute notre armée en sûreté, et sa position, voisine de Florence, semblait la rendre susceptible d’être secourue facilement, si les Espagnols se portaient de ce côté.

Lorsqu’on eut pris cette résolution, toutes nos forces se mirent en mouvement pour aller occuper les points désignes. Cependant le vice-roi, dont l’intention n’était pas de s’arrêter devant les places fortes, mais de se porter immédiatement sur Florence, pour y changer le gouvernement, a la faveur du parti sur lequel il comptait, laissa derrière lui Firenzuola, et, franchissant l’Apennin, descendit à Barberino di Mugello, château éloigné de Florence de dix-huit milles, et s’empala sans obstacle de toutes les bourgades du pays, qui dépourvues de tout secours, furent contraintes de recevoir ses ordres, et de fournir des vivres a son armée selon leurs moyens.

Cependant on avait réuni à Florence un assez grand nombre de troupes ; et, dans un conseil des condottieri d’hommes d’armes, on délibéra pour savoir de quelle manière on pourrait résister a cette attaque. L’avis général fut qu’il ne fallait point songer a se défendre à Prato, mais bien à Florence ; car on n’espérait pas, si l’on se renfermait dans cette première place, pouvoir résister au vice-roi, dont on ne connaissait pas précisément les forces, mais on pouvait croire, en voyant l’ardeur avec laquelle elles