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L'ANE D'OR.

temps qui m’y forcent, en m’en donnant une ample matière.

Et notre âne, qui a promené ses pas dans un si grand
nombre de ports de ce monde, afin d’examiner les esprits
divers des humains.

Si l’on observait les longs voyages qu’il a faits à travers
tant de routes différentes, le Ciel lui-même ne pourrait
pas l’empêcher de braire.

Ainsi, que personne n’ose approcher de cette bête
grossière et têtue, s’il ne veut pas entendre des plaisanteries
asines.

Car personne n’ignore, et c’est une des lois de sa nature,
qu’un des jeux auxquels il se montre le plus adroit,
est de lancer une paire de ruades, et de lâcher deux
pets.

Que chacun jase et médise à son gré, qu’il possède
tant qu’il veut la fumée et le faste, il faut désormais que
cet âne s’occupe de nous.

On entendra à quel point le monde est corrompu ;
car je veux qu’il vous le dépeigne avec exactitude, et
avant qu’il ait mangé son frein et son bât :

Quiconque veut le prendre en mal, tant pis pour lui.


CHANT DEUXIEME.

Au retour de la saison brûlante, lorsque le printemps,
ennemi de la froidure, des glaces et des neiges, a chassé
l’hiver rigoureux,

Le ciel montre un front plus riant, et Diane, avec ses
nymphes, recommence à chasser au sein des bois.

Le jour brille avec plus de splendeur, surtout quand
le soleil enflammé se montre entre les deux cornes du
céleste taureau.

Le soir, alors, on entend quelquefois les ânes se met-