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ACTE I, SCÈNE I. 9 CALLIMACO. Mais la fortune, jugeant que j’étais trop heureux, fit arriver à Paris un certain Camillo Galfucci. SIRO. Je commence à deviner votre mal. CALLIMACO. En qualité de Florentin, je l’invitais souvent à dîner avec quelques compatriotes. Tout en causant, nous en vînmes un jour à disputer pour savoir dans quel pays, de l’Italie ou de la France, on trouvait les plus belles femmes. Mon extrême jeunesse à l’époque où je quittai mon pays ne me permettait pas de parler des Italiennes en connaissance de cause : un autre Florentin qui se trouvait présent prit le parti des Françaises, et Camillo celui de ses compatriotes. Après beaucoup de raisons alléguées de part et d’autre, Camillo, presque en colere, se mit à dire que, quand bien même toutes les Italiennes seraient des monstres, il avait une parente capable de soutenir a elle seule tout l’honneur du pays. SIRO Je vois clairement à cette heure ce que vous voulez dire. CALLIMACO. Il nomma alors madonna Lucrezia, femme de jnesser Nicia Galfucci, et loua si fort sa beauté et sa sagesse, que chacun de nous en demeura stupéfait. Ce discours fit naître en moi un si vif désir de voir cette belle, que, laissant de côté toute autre idée, et sans penser davan¬ tage ni à la guerre ni à la paix de l’Italie, je me mis en route pour Florence, où, arrivé à peine, j’ai trouvé que la renommée de madonna Lucrezia était bien au-dessous de la réalité ; ce qui est ordinairement bien rare ; main¬ tenant je brûle si ardemment d’obtenir ses bonnes grâces, que je ne puis plus y résister. SIRO. Si vous m’eussiez dit cela à Paris, je sais bien ce que je vous aurais conseillé ; mais aujourd’hui je ne sais plus que vous dire. l