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LE HOLLANDAIS

― Je ne sais pas.

Désiré Pointe s’inquiétait visiblement. Bébé-Salé, qui ne manquait pas d’à-propos, fit le geste de vider un seau d’eau sale par la porte. Pointe comprit l’allusion, mais n’insista pas.

La situation était claire. Depuis la déclaration de guerre, c’est-à-dire deux ans passés, il n’avait pas versé un centime à la mère Plœdac sous le prétexte répété qu’il n’avait pas de monnaie. L’arrivée de cet étranger l’induisait à penser que Mme Plœdac n’hésiterait pas à donner sa chambre, pour le reléguer, lui Désiré Pointe, dans la petite chambre du grenier.

― Cette guerre ne finira jamais ! gémit-il en forme de conclusion.

― En résumé, le type arrive demain matin. Je n’ai rien dit à Mme Plœdac ; mais elle aurait pu me demander un avis. Je suis un client qui peut compter pour deux. J’aurais dû louer ta chambre, Pointe. Tu serais tranquille et moi aussi. Maintenant il est trop tard.

Bébé-Salé proposa une manille. Marie-Anne apporta les cartes.

― Quand achèteras-tu un autre jeu ? bougonna Pointe en étalant les cartes sur la table. Tu pourrais faire la soupe aux cochons avec ces cartes.

― Quand vous me donnerez de l’argent, monsieur Pointe, riposta la jeune femme.

― Petite coquette, fit Krühl en coupant.