Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

ordres du capitaine Heresa, peu communicatif.

Krühl arpentait le pont, s’intéressait à la marche du bâtiment et regardait les hommes de son équipage avec un sourire attendri. « Quels braves gens ! » disait-il au capitaine. Cet excellent homme était ainsi fait qu’il eût trouvé l’enfer peuplé d’estimables créatures et que la vision d’un diable harcelant un damné n’eût laissé dans son cerveau qu’une impression de cordialité, peut-être un peu brutale.

Il faisait maintenant très chaud et le bateau sentait la peinture chauffée par le soleil. Le voyage allait se terminer sans incidents, à la grande joie de Gornedouin et d’Éliasar, qui, l’un à tribord, l’autre à bâbord, se fatiguaient les yeux à guetter le sillage révélateur d’un sous-marin en chasse.

Heresa ne manquait jamais de plaisanter Éliasar sur sa peur des sous-marins. Il en résultait un échange de propos souvent dépourvus d’aménité.

Ceci n’empêchait pas Éliasar de fumer pendant de longues soirées dans la cabine du capitaine, en l’absence de Krühl, couché et dormant à poings fermés.

― Quand vous aurez trouvé l’île, disait Éliasar, vous m’avertirez, nous débarquerons et alors… Vous ne marchez toujours pas ?

― Naon ! jé vous préparerai tout lé travail, jé n’ai qu’uné parole !