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ALEXANDRE POUCHKINE.

mistress Malaprop, on apprend aux demoiselles « un peu d’innocence et d’artifice. » Après bien des hésitations, bien des tourments, la passion l’emporte et Tatiana écrit à Oniéghine pour lui avouer son amour. « Elle lui écrivit en français, dit Pouchkine, car on ne peut écrire une lettre en russe. » C’est une épigramme à l’adresse d’un de ses critiques. La lettre de Tatiana est en excellent russe et des plus touchantes. Oniéghine est surpris. Il n’a pas la moindre envie de l’épouser. Il pourrait bien la mettre à mal ; mais il est honnête homme au fond, et il éprouve quelque plaisir à se trouver dans une situation contraire à celle où il a été toute sa vie. Un général qui a pris bien des places, par amour de la diversité, se plaît à soutenir un siége. Il dit fort poliment à Tatiana qu’il n’est pas son fait, et après quelques lieux communs de morale paternelle, il se retire, fort satisfait de ce qu’il croit un trait de galant homme, après avoir mortellement blessé un pauvre cœur.

Cependant Lenskoï est un peu piqué que sa fiancée et sa famille n’aient pas été mieux appréciées par Oniéghine. Il y a entre eux un peu de contrainte et de froid ; puis un mot piquant échappe, et on y répond. Grâce à des amis très-chatouilleux sur le