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étiez assise sur un banc adossé à une haie. En face était un mur de quelque six pieds qui séparait le jardin d’un jardin voisin beaucoup plus bas. Moi, j’étais en face de vous, et nous causions en valencien, à ce qu’il me semblait. — Nota bene que je n’entends le valencien qu’avec beaucoup de peine. Quelle diable de langue parle-t-on en rêve quand on parle une langue qu’on ne sait pas ? Par désœuvrement, et comme c’est mon habitude, je montai sur une pierre et je regardai dans le jardin d’en bas. Il y avait un banc aussi adossé contre le mur, et sur ce banc une espèce de jardinier valencien et mon diamant écoutant le jardinier, qui jouait de la guitare. Cette vue me mit à l’instant de très-mauvaise humeur, mais je n’en montrai rien d’abord. Le diamant leva la tête, me vit avec surprise, mais ne bougea pas et ne parut pas autrement déconcerté. Après quelque temps, je descendis de ma pierre et je vous dis, de l’air du monde le plus naturel et sans vous parler du diamant, que nous pouvions faire une excellente plaisanterie qui serait de jeter une grosse pierre par-dessus la crête du mur. Cette pierre était fort lourde. Vous fûtes très-empressée à m’aider, et, sans me