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PROSPER MÉRIMÉE

pour se distraire, des vues du pays ; tous les jours, on le rencontrait dans la campagne, marchant en silence, avec ses deux Anglaises ; l’une portait l’arc, l’autre la boîte aux aquarelles. Il tuait ainsi le temps et prenait patience. Il allait, par bonté d’âme, nourrir un chat, dans une cabane écartée, à une demi-lieue de distance ; il cherchait des mouches pour un lézard qu’il nourrissait : c’étaient là ses favoris. Quand le chemin de fer lui amenait un ami, il se ranimait et sa conversation redevenait charmante ; ses lettres l’étaient toujours ; il ne pouvait s’empêcher d’avoir l’esprit le plus original et le plus exquis. Mais le bonheur lui manquait ; il voyait l’avenir en noir, à peu près tel que nous l’avons aujourd’hui ; avant de clore les yeux, il eut la douleur d’assister à l’écroulement complet, et mourut le 23 septembre 1870. — Si on essaye de résumer son caractère et son talent, on trouvera, je pense, que né avec un cœur très-bon, doué d’un esprit supérieur, ayant vécu en galant homme, beaucoup travaillé, et