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PROSPER MÉRIMÉE

significatives ; le reste est dérivé ou indifférent ; c’est temps perdu que de le montrer. Les lecteurs intelligents le devineront, et il ne faut écrire que pour les lecteurs intelligents. Laisser le bavardage aux bavards, ne prendre que l’essentiel, ne le traduire aux yeux que par des actions probantes, concentrer, abréger, résumer la vie, voilà le but de l’art. — Du moins tel est le sien, et il l’atteint mieux encore dans ses récits que dans ses comédies ; car les exigences de la mise en scène et de l’effet comique ne surviennent pas pour grossir les traits, charger la vérité, mettre sur la figure vivante un masque de théâtre[1]. L’écrivain, ayant moins d’obligations et plus de ressources, peut dessiner plus juste et moins appuyer. La plupart de ces nouvelles sont des chefs-d’œuvre, et il est à croire qu’elles resteront classiques. Il y a de cela

  1. Le Résident dans les Espagnols en Danemark, le Comte et les autres gentilshommes dans les Mécontents, Kermouton et le marchand de beurre dans les Deux Héritages. Mais, en revanche, quels résumés vrais que les caractères de Clémence, de Sévin et de miss Jackson !