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que vous mettez à me contrarier pour ces frivolités me les rendent plus chères et m’y font attacher une importance nouvelle. C’est la seule preuve que vous puissiez me donner des sentiments que vous pouvez avoir pour moi. S’il faut vous voir pour résister aux tentations les plus innocentes, c’est un travail de saint qui dépasse mes forces. J’aurais sans doute beaucoup de plaisir à vous voir, mais la condition de me transformer en statue, comme ce roi des Mille et une Nuits, m’est insupportable.

Nous venons de nous expliquer très-clairement l’un et l’autre. Vous déciderez suivant votre sagesse si nous devons ajourner notre première promenade à quelques années ou au premier soleil. Vous voyez que je n’accepte pas le conseil d’hypocrisie que vous me donnez. Vous saviez d’avance que cela m’était impossible. La seule hypocrisie dont je sois capable, c’est de cacher aux gens que j’aime tout le mal qu’ils me font. Je puis soutenir cet effort quelque temps, mais toujours, non. Quand vous recevrez cette lettre, il y aura huit jours que nous ne nous serons vus. Si vous persistez dans vos menaces, écrivez-moi tout