Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baptême, j’y insiste, sont marqués à jamais. On les retrouve, à chaque occasion. Ce sont les mêmes qui ont vieilli, mais non désarmé, et qui se sont précipités au secours de Sacco et de Vanzetti.

Il y a, aussi, le chapitre des défections et des trahisons. Tout un chapelet de profiteurs et de repentis, les casés, les Thénardiers, les habiles de la suite à Clemenceau, les muscadins qui tâtaient des jeux du Forum, grands et petits renégats, pantins sans prestige, braillards sans poumons, laquais en rupture d’office… Mais qu’importe. La vermine est partout. Ce qui reste, c’est que voici près de trente années, une espérance soudaine a fait battre des cœurs d’hommes.

Sur des nuques d’esclaves rampants, un frisson a couru. Et les fronts se sont levés orgueilleusement, projetés vers le Soleil.

Oui, qu’importe que, depuis, le petit train-train de la vie ait repris, avec sa monotonie coutumière. On ne peut éternellement baigner dans le sublime et s’abreuver de tragique. Le Monde continue, évidemment. La Terre ne voit pas le moyen de s’arrêter. Mais l’affaire Dreyfus a griffé profondément les âmes.

Or, en ce temps-là où l’on ne rêvait que de Justice et de Vérité, un homme farouchement isolé échappait à l’envoûtement. Il voyait clair et juste. Ses yeux chargés d’ironie discernaient les réalités. Et il s’amusait, avec la conscience de sa force invincible, à fouailler les troupeaux hallucinés. Pour lui, pas de couplets humanitaires. Un long cri de révolte. C’était à coups de lanières cinglantes qu’il réveillait les lucidités et les énergies. Cela faisait mal. Cela faisait soubresauter et hurler.