Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cassées, de la vaisselle piétinée, des tables retournées. Et des garçons ahuris, des policiers enquêtant. Nous nous éloignâmes prudemment J’étais personnellement trop connu dans ce coin.

Ce qui s’était passé ? C’est aisé à deviner. Une trentaine de nos amis apprenant qu’on se battait dans la rue étaient accourus, cherchant l’adversaire. Plus rien. Alors, sachant qu’ils pouvaient le rencontrer à la Chope, ils s’étaient rués sur l’établissement. En un clin d’œil, les quelques camelots qui se trouvaient là étaient arrachés de leurs tables, jetés dehors, à grands coup de poing et de canne, sans avoir même le temps de s’y reconnaître. Quelques-uns tentèrent de se défendre. D’autres, dans leur précipitation, glissaient sous les tables. Ce fut un beau chahut.

— Quelle purge ! mon empereur !

Le lendemain, naturellement, L’Action Française parlait d’une bande d’apaches mis à la raison par les valeureux champions du Trône et de l’Autel. L’Action Française n’a jamais enregistré que des bulletins de victoire.

*
* *

Mais, ce même lendemain, les camelots durent déchanter, complètement. Décidément, ils étaient allés trop loin, dans leurs provocations. Les Jeunes Gardes révolutionnaires avaient décidé de leur donner une leçon sérieuse.

Vers les dix heures du soir, les trottoirs du boulevard Saint-Michel étaient sillonnés par des groupes de jeunes gens qui, par trois ou quatre, se promenaient, l’air paisible, une énorme canne au poing. Ils pénétraient dans les brasseries, donnaient un coup d’œil investigateur,