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— Les camelots… Les camelots… Ils viennent de massacrer nos camarades.

Je me précipitai. C’était vrai. Une demi-douzaine de nos amis avaient eu l’idée saugrenue de se planter sur le pont, devant toute une troupe de camelots armés de matraques et conduits par Plateau. Cela en hurlant : « Vive la Sociale ! » Résultat : les matraques avaient pris la parole. Je vis, sur le sol, des traces de sang. Je courus à l’Hôtel-dieu. Deux des victimes venaient d’être pansées, hâtivement. L’un avait le nez cassé. L’autre montrait sa tête couverte de linge.

Tels étaient les petits jeux qui préludèrent à d’autres bagarres plus sérieuses. Jeunesse ! Toute notre jeunesse !


II


Une des plus belles batailles eut lieu, un soir, place Saint-Michel, à l’issue d’un meeting que les révolutionnaires avaient organisé. Ce soir-là, il s’agissait, pour nous, de fournir une riposte éclatante aux royalistes qui multipliaient les manifestations tapageuses et couvraient les murs d’affiches portant ce titre, en lettres énormes : Contre les Barbares !

Les Barbares, c’étaient les Allemands, l’ennemi héréditaire. Et l’affiche n’était qu’une véhémente provocation, une sorte d’appel à la guerre. Nous répliquâmes par une autre affiche : Contre les Barbares de l’Intérieur ! et en conviant républicains, socialistes, pacifistes, aux Sociétés Savantes. Là, devaient prendre la parole des orateurs de toutes les fractions d’avant-garde, parmi lesquels Sébastien Faure, Almereyda, des professeurs, des députés et votre serviteur.

La réunion fut un triomphe. Salle comble. Quelques camelots du Roi, qui s’étaient faufilés dans la salle,