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joue et où chantent les oiseaux. C’est là que, par une journée de juin 1915, des soldats français ont assassiné, par ordre, neuf engagés volontaires, russes, arméniens et juifs, dont le crime était d’avoir offert leur vie pour la Justice, le Droit, la Civilisation.

Je m’excuse d’avoir autant insisté sur ce drame. Ce sont des souvenirs qui m’éloignent de la petite histoire socialiste que j’ai entrepris de conter. Mais ces souvenirs saignent encore en moi.

Sembat, à qui je fis le récit, m’écouta, silencieux et grave. Quand j’eus terminé, il dit :

— C’est bien ça… C’est bien ça… Ça confirme ce qu’on m’avait déjà dit.

— Comment, vous saviez ?…

— Eh ! oui ! on nous avait prévenus de ce qui se préparait. On parlait vaguement de mutinerie. C’est Gustave Hervé qui, le premier, a eu connaissance de la chose. Nous sommes allés tous deux voir Poincaré. Des ordres ont été expédiés immédiatement pour que l’exécution n’ait pas lieu. Malheureusement, on croyait les volontaires à Carency. Pendant qu’on les cherchait vainement là-bas, l’opération s’accomplissait à Pévy.

— Mais le commandant du 43e… le président de la Cour martiale ?…

— Celui-là a trinqué… On l’a déplacé et rétrogradé.

Piteux châtiment pour cet assassin. Je fis la grimace. Sembat me dit :

— Que voulez-vous… C’est la guerre. On ne fait pas ce qu’on veut. En attendant, je vous conseille de parler de ces faits à vos confrères… racontez la chose… il faut qu’on sache.