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Marcel Sembat
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Il s’agissait d’engagés volontaires russes qui, après s’être battus terriblement à Carency, refusaient de monter en ligne avec leurs officiers et demandaient à être commandés par des Français.

Arrêtés, au nombre d’une trentaine, les légionnaires furent dirigés sur Pévy. Il y avait sur la route, dans un mur qui longeait la cour de la mairie, une immense cave. On transforma cette cave en prison et l’on y jeta les criminels.

Le lendemain, les principaux coupables étaient conduits dans une des salles de l’école, à la mairie. Un tribunal improvisé, composé d’un capitaine de gendarmerie, du commandant du 2e Étranger — juge et partie — et du commandant du 43e régiment d’infanterie (1er bataillon), alors au repos, les interrogea hâtivement. Mes souvenirs sont précis là-dessus. Le commandant du 43e s’appelait Vary (je ne garantis pas l’orthographe). Les neuf principaux criminels s’appelaient (j’ai, à l’époque, noté leurs nom et prénoms) : Chapiro, vingt-sept ans, Russe ; Artomachine, Russe ; Timauxian, Arménien ; Pallo, Finlandais ; Brondeck, Russe ; Alphaud, juif russe ; Petroff, Russe ; Nikolaief, Russe ; Dickmann, juif russe. Ces indications me furent fournies par l’Arménien Timauxian, un grand diable de jeune homme, ingénieur des Ponts et Chaussées. Je pus avoir quelques brefs entretiens avec ce malheureux dans la journée du 19 alors que, gardé à vue, il était conduit au fond de la cour de la mairie, vers les cabinets, entre deux hommes armés. C’était un idéaliste. Il s’était engagé pour combattre le militarisme allemand et il avait pesé de toute son influence sur ses malheureux camarades à Paris, pour les pousser à s’engager. Il m’expliqua ces choses, d’une voix grave et chantante, en me confiant tout l’espoir qu’il plaçait en la justice des officiers français. Il me