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monarchistes qui piaillent depuis que le bouquin de notre ami a vu le jour.

« Car il n’y a pas à le nier, Sembat l’aurait fait exprès qu’il n’aurait pas mieux réussi. Ce pavé lancé d’une main sûre dans la mare aux grenouilles royalistes a suscité un tapage infernal. Des croassements éperdus montent vers les cieux attendris. Ces nobles batraciens ne se sentent plus de joie à la pensée qu’il existe un écrivain capable de les prendre au sérieux et de pondre un volume de trois cents pages pour commenter et discuter (sur le mode aimable) leurs pitoyables raisons. Quelle aubaine, hein ! Il n’y a que Sembat pour faire de ces coups-là. Sans avertir personne, sans rien dire de la blague qu’il imagine, vlan ! il vous assène son bouquin sur le crâne de Charles Maurras, lequel tout rayonnant d’avoir obtenu cette primeur, s’écrie aussitôt que L’Humanité et le socialisme tout entier boycottent le livre où il est parlé trop abondamment du Roi. »


On comprend qu’une critique sur ce ton plutôt vif n’ait pas été du goût de Sembat. À la vérité, je n’avais pas entièrement tort de reprocher au dilettante qu’était devenu Sembat, les sourires et les appels discrets qu’il prodiguait alors à Léon Daudet et à Charles Maurras. Sembat prisait énormément les deux champions du Roi qui, d’ailleurs, n’avaient pas donné pleinement leur mesure (c’était avant la mort de Jaurès, le tableau de chasse du fils de Tartarin, tout le bluff colossal dont ces intrépides héros nous offrirent le tintamarre éblouissant) et je n’étais pas loin d’avaliser son estime (littéraire) de Daudet. Ce Daudet est un écrivain qui possède un don fantastique de l’image, un vocabulaire surchargé, une verve inépuisable et toute rabelaisienne et qui, j’en ai la conviction, se fout et se contrefout royalement (c’est