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dans un pays inculte et à demi-barbare, serait une grande injustice. Mais Pierre a fait sortir la Russie du nationalisme. D’abord état national, la Russie devient un empire avec l’aspiration intérieure de l’agrandissement inhérente à tout impérialisme. Ses frontières s’éloignent, elle s’incorpore toute une série de nationalités chacune avec sa langue et sa religion. Russe et Orthodoxe cessent d’être synonymes. L’Eglise locale orthodoxe était, vers la fin du XVIIe siècle, purement nationaliste ; elle excluait de son sein à la fois tout ce qui n’était pas orthodoxe et en même temps aussi tout ce qui n’était pas russe.

Pierre, de tsar moscovite, devenant empereur de toutes les Russies, sortit des limites de l’orthodoxie, de la sphère où elle avait une force réelle : il offrit à des étrangers les meilleures situations dans sa capitale et maintenant encore de grandes propriétés appartenant à des catholiques et à des protestants bordent la perspective Newski. Pierre, en tant qu’empereur laïque, protégea toutes les nations et toutes les confessions, pourvu qu’elles se soumissent à son pouvoir laïque. Les étrangers rasés, les fumeurs de tabac qui inspiraient aux moscovites barbus et couverts de vêtements tataro-byzantins un religieux dégoût, faillirent se rapprocher plus près de Pierre que les sujets moscovistes