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un peuple réaliste. Ses consolations doivent être de ce monde ; le dieu terrestre est le tsar, figure assez idéale d’ailleurs, bien que sous un corps et des formes humaines enveloppant la plus, méchante ironie ». « Le tsar est l’idéal du peuple russe ; c’est une espèce de Christ russe, un père, un nourricier, tout pénétré de l’amour de son peuple et préoccupé de son bien ».

Bakounine a très justement vu, dans l’attitude du peuple russe vis-à-vis du tsar, du fétichisme chrétien. Il a compris que, dans toutes les églises chrétiennes, le Christ demeure un Christ trop céleste ; l’église catholique a dans le pape une partielle incarnation du Christ sur la terre. Quant au peuple russe, « peuple réaliste par excellence », il a pris le tsar pour une incarnation de Dieu. Dans ses rapports avec l’autocratie et dans l’institution du tsarisme, la Russie dépasse de beaucoup les limites de l’orthodoxie, qui ne lui sert que comme compagnon de route ; sur ce point, elle est incontestablement religieuse et « chrétienne », mais nullement la Russie de l’église grecque. Le tsarisme est un produit d’une idée sainte et seule universelle jusqu’à ce jour, de l’idée du « royaume de Dieu sur la terre». Renan, ce grand et fin psychologue, remarque dans sa « Vie de Jésus » (ch. XVII : « De nos jours même, les rêves d’organisation idéale de la