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une constitution à la Russie. » — « Votre Majesté est elle-même la meilleure des constitutions », répliqua Mme de Staël, — « S’il en est ainsi, ce n’est qu’un heureux hasard »,répondit l’empereur.

Jusqu’à quel point ce ne fut qu’un « heureux hasard », la seconde partie du règne le démontra. La pomme ne tombe pas loin du pommier, selon le proverbe russe. L’antique malédiction des Atrides pèse même sur Alexandre le Béni. La volonté humaine n’a pu vaincre les sorts supérieurs. En montant sur le trône, il entra dans le cercle enchanté et sans issue. Suivant la nécessité métaphysique de l’orthodoxie, il décrivit la courbe du zénith au nadir, de l’affirmation à la négation religieuse de la liberté politique. Ce despotisme bénin, ce knout doublé de ouate ne sembla pas moins horrible que l’ancien knout nu. Pendant la seconde partie du règne, la crosse pastorale de l’archimandrite Photius se réunit aux verges d’Araktchéiev pour déraciner les ivraies mystiques et libérales. Alexandre commença comme Marc-Aurèle et finit comme Tibère. Le soleil, levé si clair, se coucha dans un nuage sanglant. Le Béni mourut au milieu d’une terreur égale à celle qu’il éprouvait lui-même.

Une légende dit que ce n’est pas Alexandre qui mourut à Taganrog, mais un de ses proches ;