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byzantine et russe, il y eut une déviation contraire du glaive de fer vers le glaive spirituel, du royaume terrestre vers le royaume des cieux. Idéalement peut-être, le terrestre est absorbé par le divin et l’Etat par l’Eglise, mais en réalité, le divin est absorbé par le terrestre et l’Eglise par l’Etat. Le souverain devient le chef de l’Eglise ; le César certainement païen de la Première Rome devient le pontife douteusement chrétien de la Troisième Rome.

La vieille Russie, partie d’un point tout opposé, fut amenée, par cette déviation byzantine, là où arriva l’Europe catholique du Moyen Age — à la lutte de l’empire et de l’Eglise, des tsars moscovites avec les patriarches — pâle image, renversée comme dans un miroir, mais reflétant exactement le combat des empereurs et des papes. En Occident l’empire romain fut vaincu par la papauté romaine, seulement pendant un moment. En Orient le patriarcat, la papauté russe, fut vaincu pour toujours par l’empire russe.

Pierre le Grand ne rompit pas avec les traditions de Moscou et de Byzance, comme le lui reprochèrent les vieux croyants et les slavophiles, mais il les suivit, ces traditions, en annihilant le patriarcat et se proclamant, sans en prendre le nom, pontife et autocrate, chef de l’Eglise et de l’Etat