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table puisque l’autocratie s’est emparée de la parole divine. Mais leur chair, la partie profonde et muette de leur âme est non seulement en Dieu, mais en Christ, en son être, même s’ils ne le savent pas et si leur pensée ne le veut pas. Précisément parce qu’il ne peut cesser d’être religieux et chrétien, le peuple doit s’échapper de l’orthodoxie. Il a vécu tout le christianisme que l’orthodoxie renferme et maintenant qu’il n’y reste plus que le nom, il porte plus loin son christianisme ou plutôt sa foi en Christ. L’Eglise désertée s’attache définitivement à l’Etat et son dernier bien — le nom du Christ — elle le dépose aux pied du Tsar qui le défend avec des troupes et des canons afin d’en profiter exclusivement.

Le peuple a vécu la vérité de l’individualité dans la mesure où elle était engagée en un Tsar, et de même il a vécu toute la vérité individuelle du christianisme de l’Eglise grecque orthodoxe. Il l’a vécu par ses saints, par ses ermites, par ses vrais ascètes, par ses anciens anachorètes. Mais leur rôle est terminé, le désert traversé. L’époque est passée où l’idéal de la sainteté individuelle pouvait paraître suprême, même pour un vrai chrétien. Mais l’Eglise orthodoxe, comme d’ailleurs toutes les autres Eglises historiques chrétiennes, ne savait rien de plus, et peu à peu elle commença même à