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LES PRINCES D’ORLÉANS

ils ne recevaient aucun secours des puissances étrangères.

Retirés tous trois dans une petite maison à Twickenham, aux environs de Londres, ils y vivaient de la manière la plus modeste, mais la plus convenable. Monsieur de Montjoie, leur ami, composait toute leur Cour et remplissait les fonctions de gentilhomme de la chambre, dans les occasions rares où il fallait quelque forme d’étiquette.

Malgré mes premières répugnances, je m’aperçus bientôt que monsieur le duc de Montpensier était aussi aimable qu’il était instruit et distingué. Il aimait passionnément les arts et la musique. Monsieur le duc d’Orléans la tolérait par affection pour son frère. Rien n’était plus touchant que l’union de ces deux princes, et la tendresse qu’ils portaient à monsieur le comte de Beaujolais.

Celui-ci ne répondait pas à leurs soins. Il était léger, inconséquent, inoccupé, et, lorsqu’il a pu s’émanciper sur le pavé de Londres, il est tombé dans tous les travers d’un jeune homme à la mode. Malgré sa charmante figure, sa tournure distinguée, il avait pris de si mauvaises façons qu’il avait perdu l’attitude des gens de bonne compagnie ; et, lorsqu’on l’apercevait à la sortie de l’Opéra, on évitait de le rencontrer, craignant de le trouver dans un état complet d’ivresse. Les excès et la boisson amenèrent une maladie de poitrine pendant laquelle monsieur le duc d’Orléans le soigna comme la mère la plus tendre, sans pouvoir le sauver. Mais j’anticipe sur les événements. À l’époque dont je parle, monsieur le comte de Beaujolais était encore sous la domination de ses frères, et l’on ne connaissait de lui qu’un extérieur qui prévenait en sa faveur.

Monsieur le duc de Montpensier était laid, mais si