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LA COMTESSE DE KRÜDENER

matinée, car sa fascination me retint plusieurs heures, elle me raconta comment elle se trouvait à Paris.

Dans le courant de mai 1815, elle se rendait au sud de l’Italie où son fils l’attendait. Entre Bologne et Sienne, les souffrances qu’elle ressentit l’avertirent qu’elle s’éloignait de la route qu’il lui appartenait de suivre. Après s’être débattue toute une nuit contre cette vive contrariété, elle se résigna et revint sur ses pas. Le bien-être immédiat qu’elle éprouva lui indiqua qu’elle était dans la bonne voie. Il continua jusqu’à Modène, mais quelques lieues faites sur la route de Turin lui rendirent ses anxiétés ; elles cédèrent dès qu’elle se dirigea sur Milan.

En arrivant dans cette ville, elle apprit qu’un cousin, son camarade d’enfance, aide de camp de l’empereur Alexandre, était tombé dangereusement malade en Allemagne. Voilà la volonté de la voix expliquée ; sans doute elle est destinée à porter la lumière dans cette âme, à consoler cet ami souffrant. Elle franchit le Tyrol, encouragée par les sensations les plus douces. Elle se rend à Heidelberg où se trouvaient les souverains alliés ; son cousin était resté malade dans une autre ville. Elle s’informe du lieu et part le lendemain matin n’ayant vu personne.

Mais à peine a-t-elle quitté Heidelberg que son malaise se renouvelle et plus violemment que jamais. Elle cède enfin et, au bout de quelques postes, elle reprend la route de Heidelberg. La tranquillité renaît en elle ; il lui devient impossible de douter que sa mission ne soit pour ce lieu ; elle ne la devine pas encore. L’empereur Alexandre va faire une course de quelques jours et le tourment qu’elle éprouve pendant son absence lui indique à qui elle est appelée à faire voir la lumière. Elle se débat vainement contre la volonté de la voix ; elle prie,