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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

C’est surtout en France, où la puissance des mots est si grande, que les qualifications exercent de l’influence.

Ma présence n’ayant pas suffi pour amener la célébration du mariage décidé depuis huit mois, les jeunes gens réclamèrent celle de mon père. Il obtint un congé de quinze jours. Après des tracasseries et des ennuis qui durèrent encore cinq semaines, tous les prétextes de retard étant enfin épuisés, il assista le 2 décembre 1817 au mariage de son fils avec mademoiselle Destillières.

Huit jours après, il conduisit le nouveau ménage à Londres où ma mère était restée et nous attendait avec impatience.

Le deuil de la princesse Charlotte était porté par toutes les classes et ajoutait encore à la tristesse de Londres à cette époque de l’année où la société y est toujours fort peu animée. Ma jeune belle-sœur n’y prit pas grand goût et fût charmée, je pense, de revenir au bout d’un mois retrouver sa patrie et ses habitudes avec un mari qu’elle aimait et qui la chérissait.

Je prolongeai quelque peu mon séjour en Angleterre, promettant d’aller la rejoindre pour lui faire faire ses visites de noces et la présenter à la Cour et dans le monde.

Mes parents avaient déjà été deux fois à Brighton pendant mes fréquentes absences. Me trouvant à Londres cette année, je fus comprise dans l’invitation. À la première visite qu’ils y avaient faite, un maître d’hôtel du prince était venu à l’ambassade s’informer des habitudes et des goûts de ses habitants, pour que rien ne leur manquât au pavillon.

Il est impossible d’être un maître de maison plus soigneux que le Régent et de prodiguer plus de coquetteries quand il voulait plaire. Lui-même s’occupait des plus petits détails. À peine avait-on dîné trois fois à sa table