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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

— Vous oubliez que cette femme est ma belle-mère. »

On n’en entendit pas davantage ; la porte se referma sur eux. Trois minutes après, monsieur de La Ferronnays sortit de l’appartement, alla dans le sien, ordonna à sa femme de faire ses paquets et quitta immédiatement l’Elysée où il n’est plus rentré.

Je n’ai jamais su précisément ce qui s’était passé dans ce court tête à tête ; mais la rupture a été complète et il en est resté dans tous les membres de la famille royale une animadversion contre monsieur de La Ferronnays qui a survécu à monsieur le duc de Berry, et même au bouleversement des trônes. Je n’ai jamais pu tirer de monsieur de La Ferronnays ni de monsieur le duc de Berry d’autre réponse, si ce n’est qu’il ne fallait pas leur en parler. Si monsieur de La Ferronnays perdait une belle existence, monsieur le duc de Berry perdait un ami véritable, et cela était bien irréparable.

Monsieur de La Ferronnays tint une conduite parfaite, modeste et digne tout à la fois. Il était sans aucune fortune et chargé d’une nombreuse famille. Monsieur de Richelieu, toujours accessible à ce qui lui paraissait honorable, s’occupa de son sort et le nomma ministre en Suède.

Lorsqu’il en prévint monsieur le duc de Berry, il se borna à répondre : « Je ne m’y oppose pas. » Les autres princes en furent très mécontents et cette nomination accrut encore le peut de goût qu’ils avaient pour monsieur de Richelieu, d’autant que bientôt après monsieur de La Ferronnays fut nommé ambassadeur à Pétersbourg. La joie de son éloignement compensait un peu le chagrin de sa fortune. Nous le retrouverons ministre des affaires étrangères et toujours dans la disgrâce des Tuileries.

Une nouvelle grossesse de madame la duchesse de