Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
LE PRINCE DE CARIGNAN

devoir de faire admettre la légitimité de l’autre Carignan, fils du comte de Villefranche. Il fit rechercher soigneusement l’acte que le confesseur du feu Roi lui avait arraché à ses derniers moments. Malheureusement, on le retrouva. Il portait que le Roi consentait à reconnaître le mariage de conscience, contracté par son cousin, le comte de Villefranche, sans que, de cette reconnaissance, il pût jamais résulter aucun droit pour la femme de prendre le titre et le rang de princesse, ni que les enfants de cette union pussent élever une prétention quelconque à faire valoir, sous quelque prétexte que ce pût être, leur naissance étant et demeurant illégitime.

Après la trouvaille de ce document réclamé à grands cris par la famille La Vauguyon, il fallut se taire, au moins pour quelque temps. Cependant mon père avait derechef entamé cette négociation pendant les Cent-Jours et, si monsieur de Carignan s’était rendu à Turin, au lieu de prendre parti pour l’empereur Napoléon, à cette époque ses prétentions auraient été très probablement admises. Le roi de Sardaigne, personnellement, craignait autant que nous l’extinction de la maison de Savoie.

Le corps diplomatique se composait de monsieur Hill, pour l’Angleterre, homme de bonne compagnie, mais morose et valétudinaire, sortant peu d’un intérieur occulte qui rendait sa position assez fausse ; du prince Koslovski, pour la Russie, plein de connaissances et d’esprit, mais tellement léger et si mauvais sujet qu’il n’y avait nulle ressource de société de ce côté. Les autres légations étaient encore inoccupées, mais l’Autriche était représentée par le comte Bubna, général de l’armée d’occupation laissée en Piémont. Sa position était à la fois diplomatique et militaire. Il est difficile d’avoir plus d’esprit, de conter d’une façon plus spirituelle et plus intéressante. Il avait récemment épousé une jeune alle-