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LOUIS xviii ET LES D’ORLÉANS

« Pas le chancelier, pas le chancelier, les cérémonies. »

Monsieur de Brézé, grand maître des cérémonies, qui était présent s’avança :

« Pas monsieur de Brézé, les cérémonies. »

Un maître des cérémonies se présenta.

« Non, non, s’écria le Roi de plus en plus aigrement, un aide des cérémonies, un aide des cérémonies ! »

Monsieur le duc d’Orléans restait devant la table, la plume devant lui, n’osant pas la prendre, ce qui aurait été une incongruité, et attendant la fin de ce maussade épisode. Il n’y avait pas d’aide des cérémonies présent ; il fallut aller en chercher un dans les salons adjacents. Cela dura un temps qui parut long à tout le monde. Les autres princes en étaient eux-mêmes très embarrassés. Enfin l’aide des cérémonies arriva et la signature, qui avait été si gauchement interrompue, s’acheva, mais non sans laisser monsieur le duc d’Orléans très ulcéré.

En sortant, il dit à monsieur le duc de Berry :

« Monseigneur, j’espère que vous trouverez bon que je ne m’expose pas une seconde fois à un pareil désagrément.

— Ma fois, mon cousin, je vous comprends si bien que j’en ferais autant à votre place. »

Et ils échangèrent une cordiale poignée de main.

Monsieur le duc d’Orléans disait à juste titre que, si telle était l’étiquette et que le Roi tînt autant à la faire exécuter dans toute sa rigueur, il fallait avoir la précaution de la faire régler d’avance. Il lui importait peu que ses carreaux fussent sur le tapis, ou que la plume lui fût donnée par l’un ou par l’autre, mais cela avait l’air de lui préparer volontairement des humiliations publiques. C’est par ces petites tracasseries, sans cesse renouvelées, qu’en aliénant les Orléans on se les rendait hostiles.