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MONSIEUR DE BLACAS EST CONGÉDIÉ

Monsieur de Blacas espérait que le droit de sa charge le placerait dans la voiture du Roi ; mais celui-ci fit un grand travail d’étiquette pour lui enlever cette satisfaction. Je ne me rappelle plus quelle en fut la manœuvre, mais monsieur de Blacas ne figura que dans une voiture de suite. En rentrant, le Roi s’arrêta à la porte de son appartement, et, la tenant lui-même ouverte, ce qui était sans exemple, il dit bien haut :

« Adieu, mon cher Blacas, bon voyage, ne vous fatiguez pas en allant trop vite ; je recevrai avec plaisir de vos nouvelles de Rome. »

Et pan, il frappa la porte à la figure du comte qui s’apprêtait à le suivre. Monsieur de Blacas, très déconcerté de la brièveté de ce congé amical, partit le soir.

Le résultat de ce voyage fut de faire nommer un ministre de la maison du Roi. Sans en être précisément titulaire, monsieur de Blacas en touchait les appointements, en conservait le patronage ; et la charge était faite par un homme à sa dévotion, monsieur de Pradel. En revanche, quelque temps après, il fut fait duc et premier gentilhomme de la chambre.

L’intrigue ayant manqué, on ne s’occupa plus alors de Martin, d’autant que le Roi l’avait fait remettre entre les mains de monsieur Decazes. Il passa quelques semaines à Charenton sans que les médecins osassent affirmer dans son exaltation un état de folie constatée.

On le renvoya dans son village d’où la Congrégation l’a évoqué plusieurs fois depuis. Une de ses principales visions portait sur l’existence de Louis xvii dont, de temps en temps, on voulait effrayer la famille royale. Il a été question de lui pour la dernière fois pendant le séjour de Charles x à Rambouillet, en 1830.