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ARRIVÉE DE MONSIEUR DE BLACAS

Monsieur de Blacas avait trop spéculé sur la faiblesse qu’il connaissait à Louis xviii du besoin d’être aimé pour lui-même. Le Roi répondit sèchement et verbalement :

« Je ne reçois les ambassadeurs que conduits par le ministre des affaires étrangères. »

Monsieur de Blacas se trouva donc forcé d’aller d’abord chez le duc de Richelieu. Fort étonné de voir entrer un ambassadeur qu’il croyait à Rome, il ne douta pas que Louis xviii ne l’eût mandé. Il lui demanda s’il avait vu le Roi.

« Mais non, reprit monsieur de Blacas, vous pensez bien que je ne m’y serais pas présenté sans vous. »

Cette déférence inattendue parut singulière au duc qui, malgré toute sa loyauté, démêlait bien une intrigue au fond de ce retour inopiné. Il fut confirmé dans cette opinion lorsqu’en arrivant le Roi ne témoigna aucune surprise de voir monsieur de Blacas, et la froideur qu’il lui montra ne lui parut qu’un jeu concerté entre eux. Monsieur de Blacas en jugea autrement, et comprit, dès lors, qu’il avait été mal conseillé.

Le Roi dînait toujours exclusivement avec la famille royale ; mais les déjeuners se passaient plus sociablement aux Tuileries, hormis pour Monsieur qui prenait seul, chez lui, sa tasse de chocolat. Monsieur le duc d’Angoulême déjeunait avec son service du jour, le duc de Damas et le duc de Guiche. Monsieur le duc de Berry ajoutait aux personnes de sa maison celles de sa familiarité et souvent même faisait des invitations de politesse.

Le Roi avait tous les matins une table de vingt couverts. En outre du service du jour, les grandes charges de la maison y assistaient quand elles voulaient, toujours sans invitation. Madame la duchesse d’Angoulême, accompagnée de la dame de service, déjeunait chez son oncle.