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PARTIE DE CAMPAGNE

me montrer son jardin et faire une bonne journée de campagne. J’y allai avec mon père. Des affaires le retinrent et nous n’arrivâmes qu’à cinq heures et demie. Lady Liverpool nous gronda de notre retard puis nous promena dans son jardin, ses serres, son potager, sa basse-cour, son poulailler, son toit à porcs, tout cela médiocrement soigné.

Lord Liverpool arriva de Londres ; nous le laissâmes avec mon père et prîmes le chemin de la maison. J’étais vêtue, il m’en souvient, d’une redingote de gros de Tours blanc garnie de ruches tout autour ; j’avais un chapeau de paille de riz avec des fleurs, je me croyais très belle. En entrant dans la maison, lady Liverpool me dit :

« Voulez-vous venir dans ma chambre pour ôter votre pelisse et votre chapeau. Avez-vous amené votre femme de chambre ou voulez-vous vous servir de la mienne ? »

Je lui répondis un peu embarrassée, que je n’avais pris aucune précaution pour changer de toilette :

« Ah ! cela ne fait rien du tout, reprit-elle, voilà un livre pendant que je vais faire la mienne. »

À peine j’étais seule que j’entendis arriver une voiture et bientôt je vis entrer lady Mulgrave, en robe de satin, coiffée en cheveux avec des bijoux et des plumes, puis parut miss Jenkinson, la nièce de la maison, avec une robe de crêpe, des souliers blancs et une guirlande de fleurs, puis enfin lady Liverpool elle-même, vêtue je ne sais comment, mais portant sur sa tête un voile à l’Iphigénie retenu avec un diadème d’or incrusté de pierreries. Je ne savais où me fourrer. Je crus qu’il s’agissait d’un grand dîner diplomatique et que nous allions voir arriver successivement toutes les élégantes de Londres.

Nous nous mîmes à table huit personnes dont cinq étaient de la maison. On n’attendait pas d’autres convives ; mais c’est l’usage de s’habiller, pour dîner seul à