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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Les indifférents s’indignaient des caresses que lady Castlereagh prodiguait à une si méchante bête. Elle ne s’en inquiétait nullement et faisait vivre son mari familièrement avec cet ennemi domestique, évitant ainsi toutes les inquiétudes que l’imagination aurait pu lui causer. Ce n’est qu’au bout de quatre mois, quand lord Castlereagh fut complètement guéri, que, d’elle-même, elle se débarrassa du chien que jusque-là elle avait comblé de soins et de caresses.

Lady Castlereagh n’était pas une personne brillante, mais elle avait un bon sens éminent. À Londres, elle donnait à souper le samedi après l’opéra. Elle avait préféré ce jour-là parce qu’elle n’aimait pas à veiller et que, le rideau tombant à minuit précis, pour que la représentation n’entamât pas sur la journée du dimanche, on arrivait plus tôt chez elle qu’on n’aurait fait tout autre jour de la semaine ; ce qui, pour le dire en passant, donne l’idée des heures tardives que la mode imposait aux fashionables de Londres quoique tout le monde s’en plaignit.

Ces soupers de lady Castlereagh, moins cohue que ses raouts, étaient assez agréables. Le corps diplomatique y était admis de droit, ainsi que les personnes du gouvernement ; les autres étaient invitées de vive voix et pour chaque fois.

Au nombre des choses changées, ou que j’avais oubliées, pendant mon absence, se trouvait le costume que les femmes portaient à la campagne. Je l’appris à mes dépens. J’avais été assez liée avec lady Liverpool dans notre mutuelle jeunesse. Elle m’engagea à venir dîner à quelques milles de Londres où lord Liverpool avait une maison fort médiocre, quoique très supérieure au Cray de son collègue Castlereagh.

Elle me recommanda d’arriver de bonne heure pour