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INTÉRIEUR DE TWICKENHAM

L’impartialité de son esprit lui faisait comprendre toutes les situations et en parler avec la plus noble modération. Son bonheur intérieur calmait ce que sa position politique pouvait avoir d’irritant, et, au fond, je ne l’ai jamais vu autant à son avantage, ni peut-être aussi content, que dans le petit salon de Twickenham, après d’assez mauvais dîners que nous partagions souvent.

De leur côté, les princes habitants de Twickenham n’avaient point d’autre pied-à-terre à Londres que l’ambassade dans les courses assez rares qu’ils y faisaient.

Monsieur le duc de Chartres, quoique bien jeune, était déjà un bon écolier, mais n’annonçait ni l’esprit, ni la charmante figure que nous lui avons vus. Il était délicat et un peu étiolé comme un enfant né dans le Midi. Ses sœurs avaient échappé à cette influence du soleil de Palerme.

L’aînée, distinguée dès le berceau par l’épithète de la bonne Louise, a constamment justifié ce titre en marchant sur les traces de son admirable mère : elle était fraîche, couleur de rose et blanc, avec une profusion de cheveux blonds. La seconde, très brune et plus mutine, était le plus délicieux enfant que j’aie jamais rencontré : Marie n’était pas si parfaite que Louise, mais ses sottises étaient si intelligentes et ses reparties si spirituelles qu’on avait presque l’injustice de leur accorder la préférence.

Ma mère en raffolait. Un jour où elle avait été bien mauvaise, madame la duchesse d’Orléans la fit gronder par elle. La petite princesse fut désolée. À notre prochaine visite madame de Vérac, dame d’honneur de madame la duchesse d’Orléans, dit à ma mère :

« Vous n’avez que des compliments à faire aujourd’hui, madame d’Osmond ; la princesse Marie a été sage toute la semaine. Elle a appris à faire la révérence,