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HABITUDES DU PRINCE RÉGENT

elle a conservé le goût le plus vif pour les intrigues politiques et les tracasseries sociales.

Le prince régent menait la vie d’un homme du monde. Il allait dîner chez les particuliers et assistait aux réunions du soir. Ces habitudes donnaient une existence à part aux ambassadeurs ; ils étaient constamment priés dans les mêmes lieux que le prince et il en était presque exclusivement entouré. À tous les dîners, il était toujours à table entre deux ambassadrices ; dans les soirées, il se plaçait ordinairement sur un sopha à côté de lady Hertford et appelait une ambassadrice de l’autre côté.

Lady Hertford, qu’on nommait la marquise par excellence, était alors la reine de ses pensées. Elle avait été très belle, mais elle avait la cinquantaine bien sonnée et il y paraissait, quoiqu’elle fût très parée et très pomponnée. Elle avait le maintien rigide, la parole empesée, le langage pédant et chaste, l’air calme et froid. Elle imposait au prince et exerçait sur lui beaucoup d’empire, était très grande dame, avait un immense état et trouvait qu’en se laissant quotidiennement ennuyer par le souverain elle lui accordait grande faveur.

La princesse Charlotte avait essuyé ses dédains envers elle, mais elle lui avait rendu impertinence pour impertinence. La vieille Reine l’accueillait avec des égards qui témoignaient de la bonne opinion qu’elle lui conservait et lady Hertford promenait son torysme dans les salons avec toute la hauteur d’une sultane.

Le prince se levait extrêmement tard ; sa toilette était éternelle. Il restait deux heures entières en robe de chambre. Dans cet intérieur, il admettait quelques intimes, ses ministres et les ambassadeurs étrangers lorsqu’ils lui faisaient demander à entrer. C’était ce qui lui plaisait le mieux. Si on écrivait pour obtenir une audience ou qu’on la lui demandât d’avance, il recevait