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DISPOSITIONS DU ROI

Novant-ott. C’était sa manière d’exprimer, en patois piémontais, la date de 1798, époque à laquelle il avait été expulsé de ses États par les armées françaises.

Il en résultait des conséquences risibles : par exemple, ses anciens pages reprenaient leur service à côté des nouveaux nommés, de sorte que les uns avaient quinze ans et les autres quarante. Tout était à l’avenant. Les officiers, ayant acquis des grades supérieurs, ne pouvaient rester dans l’armée qu’en redevenant cadets. Il en était de même dans la magistrature, dans l’administration, etc. C’était une confusion où l’on se perdait. La seule exception à la loi du Novant-ott et, là, le bon Roi se montrait très facile, était en faveur de la perception des impôts : ils étaient triplés depuis l’occupation des français, et Sa Majesté sarde s’accommodait fort bien de ce changement.

Le Roi avait ramené tous les courtisans qui l’avaient suivi à Cagliari pendant l’émigration. Aucun n’était en état de gouverner un seul jour. D’une autre part, l’empereur Napoléon avait, selon son usage, écrémé le Piémont de tous les gens les plus distingués et les avait employés dans l’Empire, ce qui, aux yeux du Roi, les rendait incapable de le servir. L’embarras était grand.

On alla rechercher un homme resté en dehors des affaires mais qui ne manquait pas de moyens, le comte de Valese, enfermé depuis nombre d’années dans son château du val d’Aoste. Il y avait conservé bon nombre de préjugés et d’idées aristocratiques et contre-révolutionnaires, mais pourtant c’était un libéral en comparaison des arrivants de Sardaigne. Il lui fallait encore les ménager, et je crois qu’il a bien souvent rougi des concessions qu’il était obligé de faire à leur ignorance.

Dans sa passion pour revenir au Novant-ott, le Roi voulait détruire tout ce qui avait été créé par les fran-